Annonce : colloque "Entreprise et droits humains" le vendredi 16 juin 2023

Argumentaire                     

 

L’entreprise et la question des droits humains est aujourd’hui une préoccupation majeure, à la fois dans le monde des affaires et dans celui de la recherche, en sciences sociales comme en sciences humaines. C’est aussi un axe central de la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise). Le tragique accident du Rana Plaza survenu à Dacca, au Bengladesh en 2013, et qui mettait en cause certaines pratiques de plusieurs compagnies internationales (dans la sphère de la fast fashion) a déclenché une prise de conscience, au point que l’exploitation par le travail (modern slavery pour les Anglo-Saxons) relève aujourd’hui de l’urgence humanitaire. La société civile mondiale est désormais davantage sensible aux manquements des entreprises, en matière de droits humains et exprime un besoin de justice sociale à l’échelle de la planète. La littérature a contribué au développement d’un tel impératif éthique, avec la mise en fiction de conflits impliquant des entreprises éloignées du bien commun, des normes du travail décent et du respect de l’environnement. On peut citer le roman de l’écrivain américain, John Grisham, L’ombre de Gray Montain (Gray Mountain, 2014), dénonçant le rôle destructeur des compagnies minières dans les Appalaches. En France, il faut se tourner vers l’œuvre de Jean-Paul Goux (Mémoires de l’enclave, 2003) pour se persuader de l’importance de l’humain au cœur du paysage socio-économique.

      Ces différents contextes inspirent les théories critiques du droit, lesquelles font émerger un devoir mondial de vigilance. L’un des objectifs du colloque sera précisément d’examiner l’influence et l’efficacité des législations existantes, ou en préparation, à l’échelle nationale, européenne, ou mondiale. Quel est le degré d’interaction entre ces différents cadres législatifs ?  On sait que la loi française du 27 mars 2017, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, et qui soumet les entreprises, ayant leur siège social en France mais aussi leurs filiales en France ou à l'étranger, à de nouvelles obligations visant à prévenir les atteintes aux droits humains, sert de référence à la future directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. De nombreuses initiatives européennes et mondiales (Uyghur forced labor prevention Act aux USA, loi devoir de vigilance en Allemagne ou aux Pays-Bas, etc.) ont également vu le jour.

       Si la volonté du législateur de redéfinir l’entreprise sous l’angle de la protection de l’environnement et des droits humains est évidemment louable, il n’en demeure pas moins qu’elle soulève plusieurs questions. Faut-il repenser la notion de délit économique ? Comment mesurer dans ce domaine l’influence du droit souple (soft law) ? Comment mettre en œuvre les modalités de régulation ? Au préalable, il convient aussi de s’accorder sur la construction d’un cadre éthique précis, reposant sur le principe de dignité et sur l’actualisation de la notion de droits humains. Ce questionnement permettra de mieux comprendre les attentes des sociétés civiles contemporaines et leur transposition en droit.

Même si les progrès sociétaux naissent souvent de la discorde, il ne s’agit pas de produire pour autant du contentieux agressif à l’égard des compagnies et des marchés. Le droit, même soutenu et renforcé par l’éthique économique, ne conduit pas à une guerre anti business, tant s’en faut. Le monde socio-économique, au plan national et international, est complexe et on ne peut le réduire à de grands paradigmes de conflits. En outre, la libre entreprise a suffisamment de ressources pour s’adapter par elle-même aux nouvelles exigences sociétales. Les législations, aussi fondées et protectrices soient-elles, ne doivent pas constituer un frein à la vie des affaires. L’engagement responsable, et spontané, des dirigeants de sociétés est une réalité dont il faut tenir compte. En conséquence, nous voudrions explorer les ressources de créativité entrepreneuriale en termes de prévention des atteintes aux droits humains. La question s’envisage d’un point de vue concret, avec toutes les parties prenantes. Elle ouvre également une perspective quasi philosophique dès lors qu’il faut envisager une mue générale de l’économie en fonction d’objectifs humanitaires, l’enjeu étant de réaffirmer l’entreprise en tant que facteur essentiel de civilisation.

Comité d’organisation :

M. Gil Charbonnier

Directeur du Centre d’éthique économique et des Affaires

 

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